Le Massif des Vosges est une terre d’élection pour la
spéléologie minière. En effet, la spéléologie classique se pratiquant en milieu karstique, en sillonnant des excavations façonnées par l’eau dans le calcaire, il n’existe quasiment aucune possibilité de la pratiquer dans la région.
Le massif vosgien regorge en revanche de mines, de la simple galerie de recherche de quelques mètres de long au réseau minier horizontal tout autant que vertical de plusieurs kilomètres.
La vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace, qui a connu une intense activité minière du Moyen Âge
jusqu’au XVIe siècle et au XVIIIe siècle, s’est avérée être un terreau fertile pour le développement de la spéléologie minière. Et la réouverture d’anciennes mines éboulées dans les années 70 ainsi que l’exploration de leurs réseaux souterrains ont fait office de déclic.
Les spéléologues à l’origine de la réouverture de ces mines ont été confrontés à un épineux problème technique : par quel moyen procéder pour explorer ces kilomètres de galeries et de puits en toute sécurité ?
Ces précurseurs mettent alors en place les prémisses de la spéléologie minière dans le Val d’Argent. Ils parviennent à se frayer un cheminement entre puits et galeries en ayant recours aux techniques de la spéléologie alpine, techniques incontournables pour assurer la reconnaissance des réseaux miniers horizontaux
(les galeries) et verticaux
(les puits et les dépilages, qui correspondent à la zone d’exploitation du filon).
Comme pour la spéléologie alpine, un équipement adéquat s’impose : casque, baudrier, cordes. Plus beaucoup de rigueur, de prudence... et d’endurance. Quant aux techniques de progression sur cordes, elles sont similaires.
La spéléologie minière se différencie donc essentiellement de la spéléologie alpine par sa dimension patrimoniale
: on y arpente des galeries de forme ogivale (pour le XVIe siècle), étroites, taillées à la pointerolle
(sorte de burin), des puits très rectilignes allant jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Et
partout, se devine la main de l’homme qui a creusé, taillé, vidé.
Dans une mine, le regard procure une vision directe du passé, un instantané de l’histoire. Le visiteur qui arpente ces lieux se sent directement dans la peau du mineur qui a creusé ces galeries il y a 500 ans
et vit dès lors une étrange aventure, comme s’il remontait le temps. L’étroitesse des galeries souligne encore plus ce sentiment.
L’archéologie en habits de spéléologue
La spéléologie et l’apparition de nouvelles techniques spéléologiques étant devenus les outils de découverte d’un nouveau champ archéologique, celui des exploitations minières du Moyen Âge et de la Renaissance, de nombreux spéléologues se sont mués en spéléologues-archéologues, et ont jeté les bases d’une discipline nouvelle, également née dans le sous-sol du Massif des Vosges, à la fin des années 70 : l’archéologie minière.
Présentant un intérêt archéologique évident, le patrimoine minier se prête donc aux opérations de fouilles archéologiques
de la même manière qu’une villa gallo-romaine. Sauf que les conditions d’intervention ne sont pas les mêmes…
L’exiguïté des lieux, pour commencer. Mais également les risques liés à toute intervention en milieu souterrain. Une logistique spécifique s’avère donc nécessaire
: groupe électrogène pour éclairer la zone de fouille, matériel spéléologique pour évoluer dans les meilleures conditions… La méthode de fouille, quant à elle, s’apparente à celle de l’archéologie classique, mis à part le fait que l’on ne pourra pas l’organiser de la même manière. Enfin le réseau dévoilé, il importe de photographier et de topographier
tous les éléments retrouvés sur le sol de la galerie.
Le cheminement de l’archéologue minier
est le suivant : on commence par étudier les archives à la recherche d’indications historiques.
On complète ces premiers éléments par une prospection
sur le terrain. L’exploitation minière a modelé le paysage, avec ses
haldes
(cônes de déblais accumulés devant la mine) et ses puits à ciel ouvert, facilitant la recherche d’indices physiques de cette exploitation. Des techniques modernes, comme le Lidar
(cartographie précise du sol au moyen d’un laser embarqué à bord d’un avion) ou les prospections géophysiques ont également apporté une contribution précieuse
à cette recherche.
S’ensuivent des sondages puis une opération de fouille des structures de surface
avant d’envisager l’ouverture de la mine, l’exploration systématique de ses galeries, leur topographie, l’observation des parois pour détecter d’éventuels indices liés à l’utilisation de telle ou telle technique, le relevé de l’équipement de la mine encore en place (puits boisés, échelles, faux-plafonds…).
Enfin, l’opération de fouille se conclut sur l’étude géologique du filon, ou plutôt ce qu’il en reste. Quelquefois, les résultats obtenus permettent de reconstituer les équipements miniers et de pratiquer une archéologie expérimentale.
La mine d'argent Saint-Louis Eisenthür en l’occurrence a fait l’objet de plusieurs aménagements expérimentaux destinés à mieux appréhender l’évolution des techniques et ce qui a finalement rendu possible le creusement de centaines de kilomètres de galeries dans le Massif des Vosges...